La Ruée vers le… Rien

Vendredi, à ma joie immense, j’ai eu l’honneur de revivre un moment intense d’émotion humide par lequel je croyais ne plus jamais avoir à repasser. Si vous n’avez pas compris de quoi je voulais parler, soit vous habiter ailleurs que dans nos contrées franchouillardes (et encore, ne parle-t-on pas de cet évènement à l’importance démesurée dans les étrangies lointaines?) soit votre quotient de rusitude est loin d’être optimal. Mais comme le disait un trio de penseurs célèbres « Il ne faut jamais prendre les gens pour des cons, mais ne jamais oublier qu’ils le sont » (humour humour)(hum, excusez-moi, je suis un peu en rogne de la fatigue)(heu…)

est-ce seulement humain? Cela ressemble de manière troublante à un poulpe dépressif...

On a envie d’avoir foi en l’espèce humaine, on le veut vraiment. Mais que voulez vous faire face à un regard si… mort?

Brefons. Je suis donc aller rechercher les résultats du bac de certains prétendus amis qui ne le seront bientôt plus (vive facebook qui permet de matérialiser toutes nos bouderies sans que ça ait l’air totalement puéril) par la magie de ce qu’on appelle couramment la procuration ou moins couramment le don d’embêter le monde sans quitter sa plage de Monaco (existe aussi avec la formule « île des Bahamas »).

Pour faire court, ça a été l’horreur. Entre les parents hystériques et les gnomes fumeurs, autant vous dire qu’au bout de cinq minutes à peine, j’avais envie de me pendre. C’est fou la vitesse relativement impressionnante à laquelle des personnes à priori saines d’esprit peuvent perdre leur précieux reliquat de bon sens…

Je commençais déjà avec des désavantages colossaux: celui d’être en retard, celui de ne pas avoir amener les papiers et, pas le moindre, celui d’être petite (que celui qui a cru à un jeu de mot aille s’enterrer au fin fond du Sahara).

Je me suis donc pointée bonne dernière avec 45 minutes de retard au lycée adéquat, croyant benoîtement que cela resterait sans conséquence. Que nenni. Et bien, croyez-moi, en 45 minutes, un foule hystérique a le temps de doubler de taille, de volume et d’agitation. Inutile de même songer à approcher les tableaux affichant les résultats dans ces conditions, je me suis directement dirigée vers une file en croisant les doigts et les orteils pour que ce soit la bonne. Il va sérieusement falloir que je m’atèle à la tâche de me procurer un gène de l’organisation non déficient. Au bout de 20 interminables minutes d’attente à une queue plus interminable encore, un surveillant essouflé aux cheveux gras (oui, je suis l’hôpital qui se rit de la charité, je ne veux même pas savoir l’état de mes cheveux après ce long périple) m’aborde en me demandant des papiers. Quesako? Je n’étais venu qu’avec ma carte d’identité (vous savez, celle où vous avez un tête de fion et que vous devrez trimbaler encore 10 ans?) et un vague brouillon en guise de lettre attestant de la procuration. Une convocation? Nope. Donc direction la sortie. Problème: parcourir une foule heureuse à contre courant, ça peut être fatal. On comprend maintenant pourquoi ma taille était un facteur important. J’étais noyée plutôt qu’autre chose.

Je suis revenue une demi-heure plus tard en suant comme un boeuf, le sésame à la main (et à peine froissé). Ça me sidère tout cet étalage d’enthousiasme pour ce qui ne représente rien de plus qu’un laisser-passer extrêmement commun. Et si vous faites partie des petits chanceux qui m’ont entendu manifester ma joie quand j’ai découvert que mon futur non-ami avait eu mention très bien, vous pouvez dores et déjà créer le groupe « si toi aussi tu as déjà été agressé psychologiquement par un folle hurlant sa joie le jour du résultat du bac ». Et vive facebook.

Fermons la parenthèse.

Je suis Joie, Enthousiasme et Bonne Volonté (je pourrais presque ajouter un smiley)

Mes chers coplanètaires,

J’ai honte. Je vous ai lâchement abandonné pendant presque deux longs mois. Mea culpa, je me repends et je me répands, c’est vous dire la vérititude de ma repentance. Mais sachez que ma désertion ne fut en aucun cas volontaire. Voici la chose: le mois dernier, j’ai été initiée à WoW.

Mon meilleur ami ces derniers temps...

Avant, j’avais une vie sociale. Mais, ça, c’était avant.

Pour les heureux chanceux qui ne connaissent pas WoW (ou World of Warcraft), sachez seulement que WoW, c’est… et bien… c’est le Mal (prononcez « le MAAAAAAAAAAAAAAL!!!!!!!! », les oignons et les croix en bois sont disponibles au guichet, merci). Horriblement addictif, pire que l’alcool, les clopes et les médocs réunis. Pour vous donner une idée du niveau d’insanité que ce jeu m’a faite atteindre, j’ai un instant envisager de tout plaquer et d’aller vivre en ermite en Sibérie uniquement accompagnée de mon pack de survie (i.e. des briques de lait, des boîtes de céréales et un ordi. C’est tout) et traîner tout le jour durant dans un bunker, vêtue d’un vieux pyjama, pas lavée, pas coiffée, avec de la salive séchée aux commissures des lèvres. Je vous laisse méditer sur cette image à potentiel saikse incommensurable.

Bref.

Mais qu’est-ce que donc qui t’a fait revenir? me demandez-vous benoîtement.

Ce qui m’a fait revenir, ce sont les exams de fin d’année, ceux avec un grand P comme Panique. Plus précisément, ce fut ce moment maudit où on se rend compte que, ah, non, les cours ne sont pas des heures de loisir destinées à vilipender avec force ricanements des propos emplis de cruauté et de mauvaise foi à l’encontre des « dispensateurs du Savoir » mais, oui, effectivement, des heures où nous sommes censés apprendre quelque chose.

Cette terrible révélation aux allures d’Épiphanie déclenche en nous de curieux comportements (mais pas celui de travailler, c’est dingue ça quand même):

  • Il y a celui qui s’en fiche. Apparemment, le sursaut de lucidité n’a pas réussi à ébranler ce qui lui sert de matière grise. « Ha, heu, ben, oui, faut bosser… Heu, bah, non, jvais pas le faire, heu, bah, ça va, c’est… heu, chuis cool, quoi. » Admirez la virtuosité de la prose, de l’argumentation. J’en suis toute ébaubie. Bon, par contre, à moins d’être né avec LE gène de la coolitude, je suis au regret de vous informer qu’il est peu probable que vous arriviez jamais à un tel niveau de détachement (à part en abusant de certaines substances illicites, qu’en tant que personne responsable, je ne saurais vous recommander). Signes distinctifs: a dormi tout au long de l’année (même au tout début quand tout le monde était frais, dispo et motivé), n’a jamais rien eu dans son sac (on se demande pourquoi il prenait la peine de l’apporter), a toujours les cheveux dans les yeux (ce qui le fait vaguement ressembler à un cocker larmoyant, ou à une limace géante, on ne sait pas, mais quelque chose de pas complètement humain en tout cas). Ce qui se passera: on le reverra au rattrapage sans doute avec la même motivation (on ne se refait pas)
  • Il y a celui qui dort. La révélation n’est pas encore descendu sur lui. Signes distinctifs: d’une manière générale, il est toujours en retard pour tout. C’est lui qui a demandé s’il fallait vraiment demander sa carte d’électeur la veille des élections. Ce qui se passera: on ne sait pas trop, on prie pour lui, mais sans se faire trop d’illusion.
  • Il y a celui qui le savait déjà et que du coup, on a légèrement envie de taper. Signes distinctifs: il y a un planning accroché au mur de sa chambre, juste à côté de son bureau, avec toutes les révisions qu’il a effectuées depuis janvier, et toutes celles qu’il doit faire, avec des marqueurs fluos qui veulent dire « urgent », « pas urgent mais à faire », « pas nécessaire mais utile », « pas utile mais intéressant ». Il fait trop flipper sa race parce que 1) QUOI LE BAISE???? (cette expression est sponsorisée par l’Impératrice du Beulogue) 2) il n’a jamais été tout à fait normal, mais là, c’est carrément maniaque 3) ses sujets de révisions « pas utiles mais intéressants » (en rose sur le planning) portent sur des trucs ultra pointus dont personne n’avait entendu jusqu’alors (du genre la couleur préférée de Kant ou le régime alimentaire de Georges Pompidou); et il a noté que c’était intéressant. Ce qui se passera: il finira sans doute célibataire à repasser ses chaussettes et à les accorder à ses slips par nuances de gris. En attendant, on le met en quarantaine, des fois que la folledinguerie soit contagieuse.
  • Il y a celle qui panique et on ne sait pas pourquoi. Signes distinctifs: Elle fait des plannings qu’elle ne respectera pas (trop remplis), des fiches qu’elle n’apprendra pas (trop fluos, ça pique les yeux), chaque conversation entamée avec elle aboutira à la longue énumération de tous les sujets qu’elle n’a pas révisé. Ses gouttes de sueur, ses tics nerveux, ses pupilles dilatées, tout en elle témoigne du long hurlement de terreur qu’elle doit entendre non stop depuis la révélation (ou alors c’est qu’elle a abusé de la beuh dans une vaine tentative de ressembler à celui qui s’en fiche. C’est pas bien). Le pire, c’est que son stress est contagieux. Ce qui se passera: Si elle ne perd pas tous ses cheveux, tout ira bien pour elle. On ne se fait pas de souci, on a arrêté de s’inquiéter pour ses résultats scolaires depuis qu’on l’a surprise il y a deux ans à pleurer toutes les larmes de son corps parce qu’elle avait « Tableauu d’honneur et pas Félicitatioooooooooons! » Donc bon. Si ça se trouve, elle aura la meilleure note de l’établissement. Et une médaille.
  • Il y a celui qui panique mais on sait pourquoi. Signes distinctifs: les mêmes que ci-dessus… Ce qui se passera: … sauf que lui, il échouera vraiment.
  • Il y a celui qui réagit bizarrement. Et c’est un euphémisme. Signes distinctifs: à la base, il pourrait être un « celui qui panique ». Sauf que son cerveau a alors un réflexe (qui est, en fait, un réflexe de caca): il lui trouve une passion quelconque, vive et irraisonnée (sport, art, programmation, WoW… heu…) à laquelle il se consacrera entièrement pour s’épargner le stress que susciterait une réflexion trop approfondie au sujet des examens qui arrivent (les choses sont bien faites; on jurerait que c’est fait exprès). Technique pourrie, on est bien d’accord. Mais c’est pour « motiver » dans les révisions. On cherche encore le lien entre les jeux vidéos et la motivation à réviser la France des années 60. Mais il y a peut-être un lien logique qui nous échappe. Ce qui se passera: Méthode peu rentable, il est légitime de douter quant aux résultats. Beaucoup douter.

Ah, pourquoi tant de stress et de dénégation de l’échéance quand il est si simple d’ouvrir ses bouquins et de bosser? N’est-ce pas encore la meilleure manière de s’échapper de la boucle des interrogations infinies (« serais-je ou ne serais-je point à la hauteur? », « est-il temps de pleurer ou pas? ») et de réussir?

Sur ce, je vous laisse, un raid m’attend sur WoW. Non, mais c’est seulement pour me motiver, ensuite promis, je me mets au taff.

Fermons la parenthèse.

Le fabuleux pays de Pipoland

Il n’y a pas si longtemps (quelques jours, quelques semaines, quelques mois, quelques années, qu’importe de si subtiles nuances dans le grand scheme de la vie?), mes petits camarades et moi-même avons été traînés par les cheveux pour fortement conseillés à passer des entretiens d’embauche factices sans enjeu aucun, parce que… pour rien en fait, il n’y a pas d’enjeu, donc pas de raison, c’est aussi simple que cela. Enfin, peut-être ont-ils été conçus pour nous embêter gravement (auquel cas ils ont parfaitement rempli leur mission), mais la bienséance me permet d’en douter. Ce que l’on retiendra de cette expérience enrichissante (à part le fait qu’elle fut horriblement enquiquinante)(oui, je sais, j’insiste lourdement dessus, mais le jour où on vous obligera à vous lever à 6 heure un samedi matin, vous ferez de même), ce sera l’aspect très hypocrite du geste.

Le principe est simple: l’élève (pardon, le jeune adulte) doit craquer des bobards le plus habilement possible dans la tête des deux ou trois vieux personnes d’expérience qui lui font face, le genre de bobard réaliste et facile à avaler comme « j’espère (ne jamais dire je veux, ça fait mauvais genre. Le désir est un crime odieux bientôt puni par la loi) devenir PDG d’une firme indépendante et humanitaire pour la survie des lamas à Tombouctou (la cause des lamas est trop souvent ignorée) parce que je suis une personne ouverte, ambitieuse, pleine de bonté, qui ne demande rien de plus que découvrir de nouvelles cultures! » alors que pas plus tard que samedi dernier, son amibition était de devenir un(e) chanteur(teuse) révélé(e) par The Voice, émission culturelle par exellence. Les examinateurs, eux, boudinés de sagesse et de psychanalyse à deux sous, donneront des conseils qui révolutionneront à jamais la vie de l’élève (après avoir suivi les conseils de ses examinateurs, Jacques est devenu abonné à Pôle emploi, lui qui pourtant se destinait à une édifiante carrière d’ingénieur. Coïncidence? Je ne crois pas).

Bref, du Pipo pur et dur, qui, il est vrai, a eu pour mérite de révéler à Marjorie sa voie future (Marjorie, mais si, vous savez, cette p… pimbêche qui vous vole vos amoureux ou qui vous brise le coeur, selon le sexe, depuis la maternelle, qui se maquille comme une voiture volée et qui rigole tout le temps super fort et sans raison. Marjorie.). Marjorie qui d’ailleurs n’a pas résisté à la tentation d’envoyer à tous ses contacts un texto significatif : « I ❤ PIPO!!!!!! I want to go to HEC!!!!!!!!! » (et non, bande de mauvaises langues, elle n’utilise pas le franglais et les sigles par snobisme, c’est seulement parce qu’elle a un blackberry, qu’elle ne peut donc pas avoir de é ni de è et encore moins de ê, et que tout de suite, ça devient plus compliqué de parler la langue de Molière dans ces conditions, do you get it?).

Donc, autant vous dire que le discours touchant de monsieur le Proviseur sur l’attitude extrêmement positive que nous avions adoptée avait de quoi faire expirer de rire. Je n’attends donc pas un instant pour me bidonner en votre compagnie.

Rions, mes bons amis. Et fermons la parenthèse.